Petite information partagée à l’ensemble des membres de l’association au retour d’un voyage au Népal, par Eric Cuziat.
En 2011, après dix ans d’exercice, l’association Thanaka est à un véritable tournant.
Les enfants dont elles s’occupe dans chacun des centres arrivent à un âge avancé et devront les quitter. Sans connaître les coûts, l’association a précisé début 2011 qu’elle financerait les études supérieures de ces enfants pendant que d’autres plus jeunes les remplaceront dans les centres.
Trois d’entre eux bénéficient déjà du soutien de Thanaka en 2011 (Alisha de Bhaktapur qui suit des études d’infirmière, Alina et Rasmi de Gaikhur qui suivent des études d’aide soignante).
Le coût de ces études supérieures est très élevé pour l’association. Par enfant et par année, il en coûtera au minimum 1000 euros par an.
Pour subvenir à ces frais d’éducation, l’association a réduit en 2011 les budgets alloués traditionnellement à des projets de développement ou d’éducation plus ponctuels (dispensaires, fournitures d’ordinateurs).
En parvenant sur le Népal à la fin 2011, et en discutant avec Dhana, j’ai d’abord pensé que l’association en faisait peut-être un peu trop. En effet, pourquoi allouer une telle somme à un individu en particulier, alors qu’elle peut en satisfaire plusieurs centaines avec le même budget ? Après tout, lorsque les enfants quittent les centres, nous pourrions considérer que l’association leur a déjà apporté beaucoup, en leur permettant, pendant de nombreuses années, d’atteindre un niveau d’éducation que de nombreux népalais ne détiennent pas. Il paraîtrait dans ce cadre légitime de ne pas assurer la suite.
Et pourtant !
Laisser les enfants sortir des centres sans en assurer la suite reviendrait à les conduire, au mieux dans les champs, au pire à la rue. Et j’avoue supporter difficilement cette idée.
En outre, il paraît difficile de laisser ses enfants sans assurer un minimum de suivi, jusqu’à ce qu’ils entrent dans leur vie professionnelle.
Je me permets de vous transmettre les notes que j’ai prises, lorsqu’au terme de mes congés, je me suis rendu au domicile de Alina.
Ce matin, j’ai vécu une expérience très difficile.
L’association Thanaka n’a jamais cherché à faire de misérabilisme. Elle a toujours cherché à montrer des enfants en bonne santé, bien habillés. Dans les centres, chacun d’ente eux est heureux. Ils y vivent en harmonie comme une grande famille.
Ces derniers ont bien grandi, et désormais quelques uns ont quitté leur centre. Cette année, trois enfants sont dans ce cas.
Les coûts des études supérieures étant très élevés l’association doit chercher d’autres moyens de financement tel que le parrainage. Je me suis rendu ce matin chez Alina, pour prendre connaissance de sa situation familiale, pour discuter avec elle…
Alina avait fait un usage important de rouge à lèvre le week-end dernier, alors que l’association l’invitait avec d’autres sur Pokhara, pour la première fois. Bien habillée, rien ne laissait présager qu’elle puisse avoir besoin d’un soutien. Lorsque je suis arrivé ce matin à son domicile, ces effets de beauté avait disparu. Je découvre une chambre d’à peine vingt mètres carrés, dans laquelle deux petits lits sont placés, un coin cuisine aménagé. Alina est au centre de la pièce, sourire aux lèvres entre son frère, sa sœur, sa mère. Je me mets à lui poser des questions pour obtenir des informations qu’un parrain serait susceptible de demander. Très vite, lorsque j’aborde le sujet de sa situation familiale, les sourires disparaissent au profit d’un visage plus grave. Tout va bien. La réserve népalaise reste de rigueur. Je prends des notes… Puis à un moment, Alina pose les mains sur son visage… Les yeux commencent à s’emplir de larmes, celles-ci viennent à couler le long de son visage. Je ne comprends pas bien ce qui se passe. Elle s’explique en népalais à Prithivi… La traduction vient. J’apprends que son père, chauffeur de taxi, ne rentre pas toujours au domicile, qu’il ne fournit pas vraiment d’aide à sa famille, qu’il a des problèmes mentaux. Les larmes en disent plus, mais je ne veux pas savoir. J’ai déjà l’impression de pénétrer dans un espace privé qui ne me regarde pas. Je me sens voyeur. J’efface mes notes et les reprends. Je prends Alina par l’épaule, la prie de cesser de pleurer, lui expliquant que l’association fera tout son possible pour l’aider, elle et son petit frère. La grande sœur, mariée, n’aura pas besoin de soutien.
C’est le cœur lourd que je reviens sur Duwakhot, me livrer à pareil exercice avec Alisha. Je ne chercherai pas à en savoir trop, cette fois.
Alors, je me dis aujourd’hui que l’association Thanaka a le devoir d’aider ces enfants qu’elle a mis sur des rails, au moins jusqu’à ce qu’ils rentrent dans la vie professionnelle, qu’elle ne doit pas les laisser tomber, combien même les a-t-elle déjà beaucoup aidé.
D’autres sources de financement devront être trouvées pour palier à ces frais d’éducation importants.
Le parrainage est semble-t-il tout indiqué. Il reste à le mettre en oeuvre.
Et pour ce qui concerne les enfants qui n’ont pas les compétences pour suivre des études, des débouchés doivent leur être proposées.